Retirer de l’argent de votre société via un prélèvement en compte courant

Un prélèvement en compte courant signifie que vous prélevez des liquidités dans la caisse de votre société à des fins privées, sans considérer ce prélèvement p.ex. comme une rémunération ou une indemnité de frais

Retirer de l’argent de votre société via un prélèvement en compte courant

1.  Notions

1.1.                   Qu’est-ce qu’un « prélèvement en compte courant » ?

À vrai dire, ce n’est ni plus ni moins que le fait que vous préleviez des liquidités dans la caisse de votre société à des fins privées, sans considérer ce prélèvement p.ex. comme une rémunération ou une indemnité de frais.

Comme il ne s’agit pas là d’une rémunération ou d’une affectation de ce type, on doit considérer ce prélèvement d’argent sur le plan comptable comme un prêt que vous consent votre société.

En effectuant un tel prélèvement de liquidités, vous empruntez donc à votre société de l’argent que vous aurez un jour à lui rembourser. Tant que vous ne l’avez pas fait, vous avez donc une dette envers votre société et cette dette est enregistrée sur le plan comptable à votre compte courant. Quand vous avez une dette envers votre société, ce compte courant est « débiteur » ; dans le cas inverse (votre société vous doit encore de l’argent ou elle vous en a emprunté), le compte présente un « solde créditeur ».

Nous sommes donc ici plus ou moins dans la situation inverse à celle où vous avez prêté de l’argent à votre société et où vous pouvez lui en demander des intérêts. Dans le présent cas, votre société vous a prêté de l’argent. Ajoutons toutefois d’emblée que les deux situations peuvent parfaitement se combiner : vous pourriez p.ex. avoir d’un côté prêté de l’argent à votre société dans le cadre d’un contrat de prêt en bonne et due forme et par ailleurs lui emprunter de l’argent par le biais de votre compte courant.

1.2.                   Comment s’organise un tel prélèvement en compte courant ?

Pas de formalités. Vous n’avez effectivement pas de formalités spécifiques à remplir pour pouvoir prendre de l’argent en compte courant, bien au contraire. En effet, un tel prélèvement en compte courant se produit automatiquement à chaque fois que vous utilisez de l’argent de votre société à des fins privées.

Ainsi, vous effectuez p.ex. un prélèvement en compte courant quand vous prélevez de l’argent dans la caisse de votre société à des fins purement privées, quand vous retirez de l’argent à un distributeur automatique de billets avec la carte bancaire de votre société, quand vous payez des achats privés au moyen de la carte bancaire ou de crédit (Visa p.ex.) de votre société, etc.

Dans tous ces cas, l’argent que vous avez ainsi prélevé sera comptabilisé au débit de votre compte courant, comme une dette que vous avez contractée à l’égard de votre société.

Qui peut faire un tel prélèvement en compte courant ? En fait, tout le monde le peut, du moins tout le monde qui dispose d’un compte courant au sein de votre société. Dans la pratique, cela restera bien sûr limité à vous-même et/ou aux personnes clés de votre société, dès lors qu’en fin de compte, tout le monde au sein de votre société ne peut pas y effectuer de prélèvement de liquidités et/ou y disposer d’une carte bancaire ou d’une carte de crédit de l’entreprise. Et c’est bien évidemment tout aussi bien ainsi, dès lors que le caractère spécifique d’une telle dette en compte courant, c’est le plus souvent l’absence de convention concernant son remboursement.

1.3.                   Combien pouvez-vous prélever en compte courant ?

En fait, il n’existe qu’une limite et c’est celle des liquidités disponibles dans la société. Autrement dit, vous ne pouvez pas prélever plus de liquidités ou emprunter à votre société plus d’argent qu’elle n’en possède.

Sinon, il s’agit plutôt pour vous d’examiner les conséquences fiscales auxquelles vous vous exposez en empruntant ainsi sans intérêt à votre société, ainsi que les conséquences éventuelles sur le plan financier pour votre société. En effet, en empruntant trop à votre société, vous minez sa solvabilité, ce qui bien sûr peut s’avérer préjudiciable p.ex. si elle est amenée à demander un emprunt bancaire.

1.4.                   Quand devez-vous rembourser votre dette en compte courant ?

Un jour. Tel est le principe. Il s’agit là en effet d’argent que vous avez emprunté à votre société et que vous devez donc par conséquent lui rembourser un jour. Quand et comment ce remboursement devra-t-il intervenir ? Voilà qui n’est spécifié nulle part, la décision vous appartient entièrement.

Vous n’êtes donc pas obligé p.ex. de rembourser votre dette en compte courant annuellement, même si cela a ses avantages sur le plan fiscal. Vous pourriez donc, façon de parler, laisser intacte la dette que vous avez contractée envers votre société jusqu’au moment où vous la vendez ou procédez à sa dissolution.

Jamais. Mis à part les conséquences fiscales que vous aurez personnellement à supporter du fait que vous maintenez votre dette en compte courant d’année en année (autrement dit que vous ne la remboursez pas), absolument rien ne vous empêche de ne pas rembourser votre dette et, à terme, de procéder à la dissolution de votre société, en ce inclus votre dette en compte courant.

Exemple

Vous êtes p.ex. l’unique actionnaire et administrateur d’une SRL unipersonnelle. Autrement dit, cette SRL est votre SRL et vous n’avez de compte à rendre à personne. Vous voudriez p.ex. faire ajouter une véranda à votre habitation privée et payer la facture de l’entrepreneur (p.ex. 7 000 €) via le compte bancaire de votre SRL. Étant donné qu’il s’agit là d’une dépense qui vous est privée, elle sera comptabilisée au débit de votre compte courant et donc comme une dette que vous avez personnellement à l’égard de votre société.

Supposons à présent que vous ne remboursiez jamais ces 7 000 € à votre SRL et que, 20 ans plus tard, vous voudriez procéder à la dissolution de votre SRL (p.ex. parce que vous cessez votre activité). Disons alors, en deux mots, que vous recueillerez, étant le seul actionnaire de la société, tout ce qui y subsiste après que celle-ci a payé tous ses créanciers. Et vous recueillerez, entre autres choses, la créance de 7 000 € que votre SRL détient sur vous. Autrement dit, vous recueillerez une créance de 7 000 € sur vous-même ; vous devriez donc, en principe, vous payer ces 7 000 €, ce qui revient bien sûr à dire qu’en fin de compte, vous n’aurez plus rien à payer du tout.

Dans tout ce processus, répétons-le, il importera cependant de tenir bien à l’œil les conséquences fiscales que vous encourez en personne physique.

 

2.  Conséquences pour votre société

2.1.                   Un prélèvement en compte courant est-il déductible ?

Prélèvements non déductibles. Votre société ne peut pas déduire les montants que vous prélevez en compte courant. En fait, nous l’avons dit, il s’agit d’argent que vous lui empruntez et devrez en principe un jour lui rembourser. Autrement dit, votre société n’a exposé aucun frais, dès lors que l’argent ainsi prélevé doit, normalement, encore lui être remboursé.

Remboursements non imposables. Votre société ne peut pas déduire vos prélèvements en compte courant, mais leur remboursement n’est pas non plus imposable. En effet, il s’agit tout simplement d’argent que votre société vous prête et que vous devrez en principe lui rembourser ultérieurement. En d’autres termes, une telle opération ne génère pas en soi de revenu ou de chiffre d’affaires pour votre société et, par conséquent, aucun élément taxable non plus. Simplement, votre société récupérera « ultérieurement » ce qui lui appartient.

Intérêt perçu imposable. En général, un prélèvement en compte courant est gratuit ; entendez par là que vous ne payez pas d’intérêt à votre société. C’est du reste parce que votre société vous prête en fait gratuitement que vous serez imposé en personne physique sur un « avantage prêt gratuit ». Cependant, pour éviter une telle taxation en personne physique, vous pourriez verser un intérêt à votre société et là, celui-ci serait bien évidemment imposé dans son chef. C’est logique : dans ce cas, en effet, votre société perçoit bel et bien un revenu, qui est dès lors ajouté à ses bénéfices « ordinaires » et imposé en même temps qu’eux.

2.2.                   Votre société doit-elle opérer « une retenue » à chaque prélèvement ?

En principe non. En principe, votre société n’a rien à retenir quand vous prélevez de l’argent en compte courant. Si vous prélevez p.ex. 1 000 € dans la caisse de votre société, elle ne doit donc pas p.ex. retenir de précompte mobilier ou de précompte professionnel. En soi, ce n’est bien sûr que logique, dès lors que vous pourriez, en principe, déjà avoir remboursé ces 1 000 € le jour d’après à votre société.

Du précompte professionnel sur « l’avantage ». En prenant de l’argent en compte courant et en ne payant pas d’intérêt à votre société, vous bénéficiez en fait, nous l’avons dit, d’un avantage taxable « prêt gratuit ». Sur le plan fiscal, cet avantage taxable correspond en fait à de la « rémunération », ce qui oblige en principe votre société à retenir du précompte professionnel sur son montant. En pratique, ce ne sera toutefois pas toujours très évident et, de ce fait, souvent négligé.

2.3.                   Le prélèvement en compte courant est-il important pour le taux de l’impôt des sociétés ?

Condition de rémunération minimale. Les avantages de toute nature sont en principe pris en compte pour la condition de rémunération minimale à laquelle votre société doit satisfaire pour ne pas être exclue du taux réduit. Toutefois, selon certains arrêts de jurisprudence, cela ne vaut pas pour l’avantage de toute nature prêt gratuit (Mons, 01.06.2022). En effet, la loi prévoit que seule la rémunération des dirigeants d’entreprise « à charge du résultat » est prise en considération. Or, l’avantage de toute nature prêt gratuit constitue un manque à gagner pour votre société et n’est pas à charge du résultat.

À partir de l’exercice d’imposition 2027. À partir de l’exercice d’imposition 2027 (normalement exercice comptable 2026), une condition s’ajouterait aux conditions déjà existantes pour pouvoir bénéficier du taux réduit de l’impôt des sociétés. Une société ne pourrait alors pas avoir accordé à son ou ses dirigeants une part « excessive » d’avantages de toute nature. Il y a part excessive d’avantages de toute nature lorsque la valeur du total des avantages de toute nature accordés aux dirigeants d’entreprise et évalués forfaitairement est supérieure à 20 % du total des rémunérations des dirigeants accordées durant l’exercice comptable. L’avantage de toute nature prêt gratuit étant évalué forfaitairement, il devra donc être pris en compte pour apprécier si cette condition pour le taux réduit est remplie.

3.  Conséquences pour vous-même, personne physique

3.1.                   Un prélèvement en compte courant est-il imposable en personne physique ?

Le prélèvement lui-même pas. En soi, le fait de prélever de l’argent en compte courant, et donc d’emprunter de l’argent à votre société, n’est pas imposé et ce n’est bien évidemment que logique. En effet, il ne s’agit pas d’une rémunération que vous prenez ; vous ne faites qu’emprunter de l’argent à votre société et vous devrez un jour le lui rembourser. Donc, si vous prenez p. ex. 7 000 € en compte courant pour financer l’ajout de cette véranda à votre maison privée, vous ne serez pas imposé sur ces 7 000 €.

L’avantage prêt gratuit bien. En soi, le prélèvement d’argent n’est donc pas imposé, mais bien le fait que vous fassiez ce prélèvement d’argent sans payer d’intérêts, autrement dit le fait que vous empruntiez « gratuitement » à votre société (art. 32, al. 2, 2° CIR 92). Si vous aviez emprunté l’argent (destiné à cette véranda p.ex.) à une banque, vous auriez là aussi dû payer un intérêt. Donc, dit le fisc, si vous empruntez gratuitement à votre société, vous bénéficiez clairement d’un avantage et celui-ci est imposable.

C’est ce que l’on appelle l’avantage « prêt gratuit » ou aussi l’avantage « des intérêts fictifs ».

3.2.                   Comment cet avantage « prêt gratuit » est-il calculé ?

De façon forfaitaire. Le mode de calcul de l’avantage est en effet sans relation avec les intérêts que vous auriez dû payer si vous aviez effectivement emprunté l’argent à une banque.

L’avantage « prêt gratuit » est calculé au moyen d’un taux d’intérêt que les autorités fixent chaque année en se basant plus ou moins sur les taux en vigueur dans les banques, mais sans qu’il soit effectivement tenu compte à cette occasion du taux d’intérêt que vous auriez personnellement dû payer à une banque. Autrement dit, le taux d’intérêt utilisé pour le calcul de l’avantage prêt gratuit est le même pour tout le monde.

Calcul. La formule du calcul de l’avantage prêt gratuit se présente, en gros, comme suit :

((solde de départ du C/C + solde final du C/C) / 2) × taux d’intérêt

 

 

 

Le taux d’intérêt à utiliser est celui que le fisc communique chaque année, au début de l’année suivant l’année de revenus. Ces dernières années, il se présentait comme suit (art. 18, §3, 1, a et d AR/CIR 92) :

Année de revenus 2024 (exercice d’imposition 2025)

6,25%

Année de revenus 2023 (exercice d’imposition 2024)

5,43%

Année de revenus 2022 (exercice d’imposition 2023)

7,14%

Année de revenus 2021 (exercice d’imposition 2022)

6,48 %

Année de revenus 2020 (exercice d’imposition 2021)

10,20 %

Année de revenus 2019 (exercice d’imposition 2020)

8,78 %

 

 

 

 

 

 

 

Ce taux d’intérêt s’applique au solde moyen du compte courant, c.-à-d. le solde de départ du compte plus le solde final du compte, divisé par 2. En principe, vous pouvez calculer ce solde moyen par an, sauf si le compte courant a connu de fortes variations en cours d’année (Com. IR 32/15). Dans ce cas, vous devez calculer l’avantage imposable par mois, et donc calculer le solde moyen du compte courant mois par mois (art. 18, §3, 1, e, 3° AR/CIR 92).

Exemple n° 1

Le 1er janvier 2024, votre compte courant était à 0. Le 1er février 2024, vous avez effectué un prélèvement de 10 000 € en compte courant et il en est resté ainsi jusqu’au 31 décembre 2024. Dans ce cas, votre avantage taxable « prêt gratuit » se calcule en principe comme suit :

((0 (solde de départ du compte courant) + 10 000 € (solde final du compte courant)) / 2) × 6,25 % = 312,50 €

 

Exemple n° 2

Le 1er janvier 2024, votre compte courant était débiteur de 10 000 €. Le 1er février 2024, vous avez effectué un prélèvement de 20 000 € en compte courant et, le 1er août 2024, vous avez remboursé au total 16 000 € à votre société. Le 31 décembre 2024, votre compte courant était donc débiteur de 14 000 €. Dans ce cas, votre avantage taxable « prêt gratuit » se calcule comme suit :

((10 000 € (solde de départ du compte courant) + 14 000 € (solde final du compte courant)) / 2) × 6,25 % = 750 €

 

Exemple n° 3

Mêmes données que dans l’exemple n °2 mais l’avantage de toute nature est calculé par mois :

10 000 € × 6,25 % × 1/12 = 52,08 €

30 000 € × 6,25 % × 6/12 = 937,50 €

14 000 € × 6,25 % × 5/12 = 364,58 €

Total : 52,08 € + 937,50 € + 364,58 € = 1 354,16 €, donc presque le double du montant en cas de calcul par an.

3.3.                   Et comment se calcule l’avantage si vous payez des intérêts ?

Principe général. Précisons tout de suite que « payer » des intérêts peut non seulement prendre la forme du paiement effectif d’un montant d’intérêts à votre société, mais aussi la comptabilisation du montant de l’avantage « prêt gratuit » à votre compte courant. Donc, au lieu de vous laisser imposer en personne physique sur un avantage prêt gratuit, vous pouvez aussi comptabiliser cet avantage à votre compte courant. Cela revient à dire qu’en plus de l’argent que vous avez prélevé en compte courant, il vous reste encore aussi à en payer les intérêts à votre société.

Voilà qui fait bien évidemment encore augmenter votre dette en compte courant et, par conséquent, si vous n’effectuez pas de remboursement à votre société, également votre avantage taxable prêt gratuit de l’année suivante. En effet, le solde moyen de votre compte courant n’en devient que plus grand.

En fait, la différence entre un paiement effectif d’intérêts ou la comptabilisation de l’avantage prêt gratuit à votre compte courant n’est rien de plus qu’une modalité de paiement. Dans le premier cas, vous avez effectivement payé ces intérêts ; dans le second cas, il vous reste à les payer. Dans les deux cas, on procède toutefois de la même façon et comme suit.

Avantage prêt gratuit. Au point de départ, l’avantage imposable est toujours calculé de la façon que nous avons indiquée ci-dessus, et donc à chaque fois d’après le solde moyen du compte courant et le taux d’intérêt applicable. L’avantage ainsi calculé est ensuite diminué des intérêts que vous payez effectivement à votre société (art. 18, §3, 1, a AR/CIR 92).

Neutralisation. Si vous préférez éviter la taxation d’un avantage en personne physique, pour l’une ou l’autre raison, vous devrez payer à votre société un intérêt au moins équivalent à l’avantage en principe taxable. Dans ce cas, en effet, l’avantage équivaut à ce que vous avez payé à votre société, l’un et l’autre s’annulent et il ne subsiste donc plus d’avantage taxable. Si vous avez payé un montant d’intérêts inférieur à l’avantage taxable, il subsiste par contre une différence et cette différence sera imposée dans votre chef, en personne physique.

3.4.                   Comment l’avantage net est-il finalement imposé ?

Comme une rémunération. Dans votre chef, en personne physique, l’avantage imposable est totalement assimilé à une rémunération (art. 32, al. 2, 2° CIR 92). Par conséquent, son montant brut peut non seulement être diminué de l’intérêt que vous avez éventuellement versé à votre société, mais en principe aussi d’une déduction de frais forfaitaire de 3 % (art. 51, al. 2, 2° CIR 92).

En résumé, le montant net de l’avantage taxable se calcule donc comme suit :

Avantage brut (tel que calculé suivant la formule)

 – Intérêts payés à votre société

Avantage brut taxable

- Cotisations sociales

- 3 % de frais forfaitaires

Avantage net taxable

 

 

 

 

 

 

 

 

Taux. Étant donné que l’avantage imposable est traité comme une rémunération sur le plan fiscal, il est imposé aux taux progressifs de l’impôt des personnes physiques, majorés des additionnels communaux (art. 130 et 465 CIR 92).

Cotisations sociales. Les avantages de toute nature sont, tout comme votre rémunération, soumis aux cotisations sociales que vous payez en votre qualité d’indépendant.

Versements anticipés. Dernière conséquence de l’assimilation des avantages de toute nature à de la rémunération : ils sont soumis aux versements anticipés.

3.5.                   Et si vous ne remboursez jamais votre société ?

Un avantage taxable chaque année. Aussi longtemps que vous n’avez pas remboursé votre dette en compte courant, et donc aussi longtemps que votre compte courant est débiteur, vous serez chaque année réimposé sur un avantage « prêt gratuit ». Si vous opérez entre-temps d’autres prélèvements en compte courant, cet avantage taxable augmentera bien évidemment chaque année et, par conséquent aussi, l’impôt qui en découlera pour vous chaque année en personne physique.

Même si vous désirez éviter cette dernière conséquence, et donc si vous faites comptabiliser à chaque fois l’avantage imposable à votre compte courant, il n’en restera pas moins bien évidemment que votre compte courant augmentera et par conséquent aussi votre avantage prêt gratuit de l’année suivante. Vous risquez par conséquent de vous retrouver à bref délai avec une dette en compte courant très élevée.

Jusqu’à la liquidation. Votre compte courant ne vient à échéance qu’au moment de la liquidation (après dissolution) de votre société. C’est là par conséquent aussi que prend fin votre avantage taxable « prêt gratuit » annuel. En effet, ainsi que nous l’avons exposé ci-dessus, vous recueillerez, en votre qualité d’actionnaire, tout ce qui subsiste dans votre société – après que celle-ci a payé tous ses créanciers – sous la forme d’un « boni de liquidation », dont la créance de votre société à votre égard. Vous devriez alors vous rembourser votre propre dette en compte courant, ce qui revient bien sûr à dire que vous n’aurez plus à la rembourser du tout.

Impôt en cas de liquidation. Un impôt est en principe dû lors de la dissolution d’une société (art. 209 CIR 92) et il s’élève à 30 % du « boni de liquidation » (art. 269, §1, 1° CIR 92). Ce n’est pas le cas si ce dernier provient d’une « réserve de liquidation » préalablement constituée par la société ou d’une réserve incorporée au capital ; dans ces cas, aucun impôt n’est dû (art. 21, 11° et 537 CIR 92). Le hic, c’est que votre dette en compte courant, que vous recueillez donc à titre de boni de liquidation, sera elle aussi soumise à cet impôt de 30 %. Prélever de l’argent en compte courant dans votre société et procéder à sa dissolution après quelque temps, afin de ne plus avoir à lui rembourser ce compte courant, ne pourra donc pas toujours se faire en (totale) exemption d’impôt : en bout de course, vous aurez éventuellement à acquitter cet impôt de liquidation de 30 %.

4.  Conséquences sur le plan de la TVA

4.1.                   Néant

Le prélèvement d’argent de votre société via votre compte courant n’a pas la moindre répercussion sur le plan de la TVA. Le fait d’ainsi prélever de l’argent de votre société n’entraîne donc absolument pas votre assujettissement personnel à la TVA et il n’y a pas non plus la moindre répercussion sur le plan de la TVA pour votre société.

 

5.  Exemple

Illustrons à nouveau par un exemple chiffré (applicable pour l’année de revenus 2025) les différentes conséquences fiscales du prélèvement d’argent par le biais du compte courant. Notez que pour le taux d’intérêt pour le calcul de l’avantage, nous prenons le taux pour 2024. Nous commençons tout d’abord par voir quel est en fait le coût « net » d’un prélèvement d’argent en compte courant pour votre société – compte tenu de l’éventuelle déduction à titre de frais professionnels qu’elle peut pratiquer – et calculons ensuite le montant net (c.-à-d. après la déduction des impôts, des cotisations sociales, etc.) que vous en conservez en personne physique.

Nous sommes partis des postulats suivants :

Montant total prélevé en compte courant

 12 000,00 €

Taux de l’impôt des sociétés

 20 %

Taux de l’impôt des personnes physique

 50 %

Additionnels communaux

 7 %

Taux de la majoration en cas d’absence de versements anticipés

 6,75 %

Taux d’intérêt pour le calcul de l’avantage taxable

6,25 %

Cotisations sociales, 3,05 % de frais administratifs inclus

 21,12 %

 

 

 

 

 

 

 

 

Conséquences pour votre société

Bénéfice imposable avant tout prélèvement d’argent en compte courant

15 000,00

 

 

Montant que vous avez prélevé en compte courant

- 12 000,00

 

 

Solde imposable dans votre société

(Le bénéfice avant prélèvement en compte courant, ce prélèvement n’est en effet pas déductible)

15 000,00

 

 

Impôt des sociétés

- 3 000,00

 

 

Solde disponible dans la société

(Le bénéfice moins le prélèvement moins l’impôt sur ce prélèvement)

0

 

 

Coût net pour votre société

 

15 000,00

100 %

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conséquences pour vous-même, personne physique

Montant brut prélevé

 

12 000,00

100 % 

Avantage taxable « prêt gratuit »

(12 000 / 2 × 6,25 %)

750,00

 

 

Cotisations sociales

(21,12 % du montant net de l’avantage taxable)

- 127,52

 

 

Avantage imposable brut

(avantage imposable moins cotisation sociales)

622,48

 

 

Déduction forfaitaire de frais

(3 % de 622,48)

- 18,67

 

 

Avantage imposable net

(avantage imposable brut moins les frais forfaitaires)

603,81

 

 

Impôt des personnes physiques

(50 % de 603,81)

- 301,90

 

 

Additionnels communaux

(7 % × 301,90)

- 21,13

 

 

Majoration (« amende ») pour versements anticipés insuffisants

(6,75 % de 301,90)

- 20,38

 

 

Total des impôts

 

- 470,93

3,92 %

Votre net disponible en personne physique

 

 11 529,07

96,08 %

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6.  Le pour, le contre

6.1.                   Avantages d’un « prélèvement en compte courant »

1.      Imposition avantageuse en personne physique. En effet, vous ne payez pas d’impôt sur le montant que vous prélevez en compte courant, mais uniquement sur le fait que vous ne versez pas d’intérêt à votre société et donc uniquement sur l’avantage « prêt gratuit », c.-à-d. (« intérêts fictifs ») que vous compte le fisc.

2.      Possibilité d’échapper à l’impôt. Si vous le souhaitez, vous pouvez aussi éviter l’imposition de cet avantage « prêt gratuit » en le comptabilisant au débit de votre compte courant, c.-à-d. comme une dette de votre part à l’égard de votre société. Dans ce cas, le montant total de la dette que vous avez envers votre société augmente, mais provisoirement, vous ne payez pas d’impôt, de cotisations sociales, etc., en personne physique sur votre avantage imposable.

3.      Pas de formalités. Le prélèvement d’argent en compte courant se caractérise par une absence totale de formalités.

4.      Instrument d’optimisation. Cette technique, avec d’autres, vous permet – à titre temporaire ou non – de limiter votre revenu imposable p.ex. en vue d’obtenir une bourse d’étude ou d’autres subsides publics, sans pour autant maintenir dans les mêmes limites votre revenu disponible.

5.      Un remboursement à votre gré. En principe, vous décidez vous-même si et quand vous remboursez l’argent que vous avez prélevé à votre société. Si vous ne lui avez encore rien remboursé au moment où vous décidez de procéder à sa dissolution, vous n’êtes, même à ce moment-là, pas encore nécessairement obligé d’apurer votre dette en compte courant. Si vous ne le faites pas, vous « héritez » de la créance dont votre société dispose à votre égard.

6.2.                   Inconvénients d’un « prélèvement en compte courant »

1.      Cela reste un prêt. De prime abord, vous ne faites pas sortir définitivement l’argent prélevé de votre société. Tant que votre société existe, vous vous trouvez en effet dans l’obligation de lui rembourser un jour le montant prélevé.

2.      Problème en cas de vente. Si vous envisagez un jour de vendre (les actions de) votre société, vous serez obligé d’une façon ou l’autre d’apurer votre dette en compte courant (autrement dit de la rembourser à votre société). En effet, l’acheteur ne sera guère tenté de continuer à vous consentir un prêt gratuit !

3.      Risque économique. En empruntant à titre gratuit de l’argent à votre société, vous êtes en fait devenu un de ses débiteurs et, si la situation de votre société se détériorait, cela se répercuterait sur la vôtre aussi : en cas de faillite p.ex., le curateur n’hésiterait pas à exiger de votre part le remboursement immédiat des sommes que vous avez prélevées.

4.      Vos comptes annuels ternis. Votre compte courant apparaît aussi dans les comptes annuels que votre société doit déposer et qui renferment p.ex. également d’importantes informations pour une banque. En général, une banque ne considérera pas qu’une dette élevée en compte courant de votre part vis-à-vis de votre société constitue un signe positif, car elle aussi sait que son recouvrement dépend entièrement de votre volonté.

5.      À titre complémentaire uniquement. De préférence, ne recourez pas à la seule technique du prélèvement d’argent via votre compte courant. En effet, si vous n’avez pas de revenus imposables privés, vous perdrez divers avantages dont vous pourriez bénéficier à l’impôt des personnes physiques, et p.ex. la quotité exonérée d’impôt, la déduction des frais de garde d’enfants, etc.